Un dimanche de la fin du mois d'avril, on commémore dans toute la France, la Journée des Déportés. A Nouan, cette cérémonie est l'occasion de rappeler qu'un habitant de la commune, Jacques GUERIN, est mort à Mauthausen en août 1944. Une rue et une stèle portent son nom.
Jacques GUERIN est né le 23 mai 1920 à Fès, au Maroc. Son père, André Paul GUERIN, est militaire de carrière et fait preuve de beaucoup d'autorité et de rigueur dans sa vie familiale. Sa mère, Suzanne DUPRÉ, s'efface devant cet homme à forte personnalité et Jacques n'a pas beaucoup d'affection dans sa petite enfance. Quand son père prend sa retraite avec le grade de sous lieutenant, la famille vient s'établir à Nouan, approximativement en face de la route de Crouy.
En 1938, Jacques s'engage et servira avec courage au début du conflit, ce qui lui vaudra une citation: "excellent conducteur sanitaire auto. Le 14 mai 1940, au cours d'une évacuation, a fait preuve d'un calme courage en arrêtant sa voiture malgré une violente attaque d'avions volant bas à la bombe et à la mitrailleuse pour porter secours à des blessés et les évacuer".
Mais en 1940 également, à la suite d'un accident, il est réformé. Revenu à la vie civile, en 1942, il trouve un travail dans un garage d'Orléans, et, pour se loger, loue une chambre à une dame qui vit seule. C'est là qu'il va connaitre Henriette MAGE.
Henriette est née le 26 janvier 1922. Alors qu'elle a cinq ans, son père, qui a été gazé pendant la guerre 14-18 est emporté par la tuberculose. Sa mère est infirmière de nuit et, ne pouvant s'occuper de sa fille la met en pension dans un couvent. Le 1er avril 1936 elle meurt à son tour.
Henriette est orpheline, et elle restera au couvent jusqu'à sa majorité, 21 ans à l'époque, en janvier 1943. Lorsqu'elle sort du couvent, le dimanche après midi, elle va voir sa marraine, la dame qui loge Jacques. Elle va le rencontrer et c'est le coup de foudre. Ils se fiancent à Noël 1942, mais le 18 janvier 1943, Jacques est appelé au STO (service du travail obligatoire). Il refuse de se soumettre et devient réfractaire.
Le 26 janvier 1943, Henriette sort définitivement du couvent et les jeunes gens vont habiter à Nouan. Jacques pense avoir moins de risque d'être repéré par les autorités allemandes dans un petit village qu'à Orléans. Lui, va habiter chez ses parents et fabrique des cigarettes dans une grange appartenant à Mame BRETON. Elle, loge chez une personne âgée et fait des travaux de lingerie pour un atelier de couture parisien.
Le 16 octobre 1943, ils vont se marier clandestinement car Jacques, réfractaire au STO, est recherché. De plus, depuis son arrivée à Nouan, il est entré dans un groupe de résistants FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) dont son père est le chef. Le 2 avril 1944 nait une petite fille.
Le samedi 9 août 1944, pendant la nuit, Jacques, son père et un groupe de résistants ont traversé la Loire en bateau. Rentré à 6h, il va se coucher chez ses parents, puis rentre chez lui, une pièce chez Mame ARDOUIN, alors qu'Henriette reste chez ses beaux parents.
Vers 15h, un jeune homme, agent de liaison du groupe, arrive de Muides sur Loire chez Jacques à vélo. Mais à cette époque, les Allemands ont réquisitionné tous les vélos et en utiliser un est extrêmement risqué, et le jeune agent de liaison a été repéré par une patrouille d'une trentaine d'Allemands de l'unité d'artillerie L51.551. Ceux-ci encadrent la maison et la fouillent. Les soldats trouvent dans une poche d'une veste laissée là par Jacques des tracts de la Résistance, et, dans une musette, son brassard de FFI.
Henriette raconte aux Allemands que Jacques est absent et ne rentrera qu'à 21h, espérant que quelqu'un le préviendra pour qu'il se cache. Mais ils amènent la jeune femme à son domicile où ils trouveront Jacques. Jacques et sa mère sont emmenés dans un café de Muides sur Loire. Cette dernière est relâchée alors que son fils est emprisonné dans la cave du café puis interrogé.
Le dimanche à 6 heures, Henriette part pour Muides sur Loire avec de la nourriture pour Jacques. Un soldat allemand, avant de la renvoyer, lui apprend que son mari sera transféré dans l'après midi au château de St Gervais, à St Gervais la Forêt.
La mère de Jacques et une autre dame partiront le lundi 21 août à pied pour St Gervais la Forêt. Le jardinier du château leur dit avoir vu Jacques, lui avoir parlé, et leur apprend qu'il doit être transféré en Allemagne la nuit suivante.
En septembre, profitant d'une voiture, sa mère se rend à nouveau à St Gervais la Forêt et le jardinier lui confirme que Jacques a bien été envoyé à Munich dans un convoi de trois camions, lui-même étant mécanicien du premier camion du convoi.
Personne n'aura plus de nouvelles de lui.
Henriette, avec le secret espoir de retrouver Jacques vivant, fera de nombreuses recherches. Le Ministère des Anciens Combattants ne lui laisse aucun espoir et déclare Jacques "Mort pour la France en août 1944 au camp d'extermination de Mauthausen", en Autriche.
Son action dans la Résistance et sa disparition tragique lui vaudront une nouvelle citation: "Jeune volontaire du groupe de FFI de Nouan/Loire, animé des plus purs sentiments patriotiques, a été arrêté par les Allemands le 19 août 1944, et ayant été trouvé en possession de tracts signés par le Colonel commandant les FFI du Loir et Cher, a été emmené comme prisonnier par l'ennemi. Il connaissait parfaitement le nom de tous les chefs de l'organisation de la Résistance dans tout le secteur et a su garder le silence malgré les mauvais traitements qui ont pu lui être infligés. Il a complètement disparu depuis la date de son arrestation et du départ en direction de l'Allemagne de l'unité allemande qui l'avait capturé. Il a donné à tous ses camarades et à toutes les troupes du secteur un bel exemple de dévouement et de courage".
Quant à Henriette, poussée par ses beaux parents, elle se remariera en 1958 et sera de nouveau veuve en 1985. Mais elle resta toujours attachée à Jacques par la pensée et persuadée qu'il était toujours vivant. Elle pensait qu'à la fin de la guerre, il était prisonnier dans un camp avec des détenus politiques russes. Quand l'Armée Rouge délivra le camp, elle aurait emmené tous les prisonniers pour les interner en Russie. Henriette espérait qu'il serait libéré un jour ou l'autre, et que, comme cela s'est passé pour d'autres prisonniers, il viendrait la retrouver. Malheureusement, il n'est jamais revenu et plusieurs documents officiels attestent bien de sa fin tragique à Mauthausen en août 1944.
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