UNE PHOTO DE NOUAN DE 1765

En feuilletant les anciens registres paroissiaux de Nouan/Loire, on découvre dans l'un d'eux quelques pages écrites par l'abbé Masson en 1765. Il donne une description de la paroisse à cette époque et quelques éléments de son histoire. Il a fait, en quelque sorte, une photo du village en 1765.

 

Nouan, petit bourg de France sis sur les bords de la Loire, n'a aujourd'hui rien de remarquable que d'être sur la plus belle route du royaume et d'avoir une poste. Il y a haute justice qui appartient à Monsieur de Ste Croix et un notariat royal, colloqué dans le lieu. La justice depuis soixante ans n'est plus exercée. Il y a 113 feux (foyers) dont la moitié est dans le bourg. On y compte cinq villages ou hameaux, savoir: le Cavereau, les Raberies (les Rabris), les Bernardières, les Rénières, les Galaries. Il y a une douzaine de feux au Cavereau, autant aux Galaries, trois aux Raberies, sept aux Bernardières, autant aux Rénières. Il y a douze métairies, à savoir: Préchâteau, la basse cour du château de Bois Renard, le Petit Bois Renard, l'Ecuelle, l'Arthure, La Proutière, la Bardelière, la Pichonnière, Boispoirier, Lavari, le Ruet, le Monceau. La paroisse se peuple tous les jours. Les loyers des maisons sont chers parce que l'on manque de bâtiments. Une seule chambre se loue ??? . Il y a deux locatures: la Poudanière et les Rénières.

 

ANTIQUITE DE NOUAN

Ce que l'on peut rapporter de cette paroisse n'est fondé que sur une tradition qui peut être très fausse. Ce bourg, dit-on, était jadis une ville. On trouve encore des actes où il est mis: "passé à Nouan les Villes". La quantité prodigieuse de décombres de maisons que l'on trouve dans les vignes qui sont le long de la rivière le prouve. Un Hôtel Dieu y était établi, la paroisse elle même qui était une communauté, un chapitre, un cimetière considérable qui était dans les vignes du Duc de St Aignan où l'on trouve encore des tombeaux de pierre: tout cela semble favoriser cette opinion.

A cela je crois que l'on peut répondre que les actes passés à Nouan les Villes n'ont jamais subsistés, et quand ils subsisteraient, il faudrait en conclure qu'il y avait donc deux villes à Nouan, ce qui parait absurde attendu qu'il n'en est question dans aucune histoire. La quantité de décombres de maisons qu'il y a le long de l'eau n'est point étonnante puisqu'il y a trois mille ans que les bords de la Loire sont habités, et que pendant ce temps là, on a bâti et abattu, la rivière mangeant continuellement les coteaux. Le grand chemin a pu changer et le bourg aussi. L'établissement d'un Hôtel Dieu ne prouve pas davantage. Dans le partage des biens ecclésiastiques qui fut fait vers le septième siècle, l'Evêque ou ceux qui tenaient sa place eurent un part: voila l'origine des biens que Messieurs de St Croix ont dans la paroisse. La seconde fut adjugée aux fabriques pour l'entretien des églises, la troisième aux curés, la quatrième aux pauvres. La portion des pauvres fut nommée "aumône charité".

 

HOTEL DIEU

Quand les revenus de l'aumône étaient assez considérables, on bâtissait des maisons, et on logeait des pauvres malades. L'histoire de l'Hôtel Dieu de Nouan n'a pas eu d'autres principes que celui là. Il était dans le bourg dans le temps des Huguenots. Les biens en ont apparemment été perdus. La maison ne pouvant plus s'en sortir sans revenus a été vendue. Elle sert aujourd'hui de cellier et pressoir à Monsieur le Duc de St Aignan. On voit encore aujourd'hui, à une fenêtre du haut qui est grillée, des croix que quelques bonnes religieuses apparemment avaient faites. Il est certain que, autrefois, elle a eu des revenus assez considérables. Dès l'année 1442, elle était presque ruinée puisqu'elle n'avait plus d'autres charges que de faire acquitter les fondations qui y étaient attachées et de donner un pain à chaque pauvre qui assisterait à la messe le jour de Pâques. Les marguilliers de la paroisse étaient administrateurs.

Le chapitre qui y était n'est point encore une preuve. Qui ne sait que messieurs les moines se sont fourrés partout où ils ont pu. Ils se sont introduits à Nouan, ils y ont été sécularisés et enfin détruits pour céder leur église. Je ne crois pas qu'il n'y ait jamais eu de chapitre pour des moines, car il y a encore quelques vestiges: la disposition de l'église qui est bâtie comme une église de communauté, le pilier où est le grand bénitier, où l'on voit encore une crosse dont le haut est tourné en dedans ce qui est une marque d'un abbé, la cave qui est proche de la grande sacristie, que l'on appelle la cave d'enfer, qui était apparemment la sépulture des moines puisqu'on y trouve encore des restes de morts et des os.

Le cimetière qui est dans les vignes du Duc de St Aignan était un grand cimetière comme il y en a dans les anciennes paroisses de campagne. L'origine de ces cimetières si vastes vient d'une superstition qui régnait dans le neuvième siècle, car on croyait que le corps d'un prédestiné qui était dans la même fosse qu'un damné ou un hérétique en contactait une espèce de souillure. En conséquence, chacun voulait avoir son tombeau à part: voila l'origine de cercueils de pierre. La mode étant passée de brûler les corps et de mettre leurs cendres dans des urnes, on les conservait dans des cercueils de pierre. La pierre étant devenue trop rare ou trop chère, on s'est servi de tombes. Dans les endroits où on ne trouvait pas d'assez belles pierres, on maçonnait de petits tombeaux pour chaque particulier, et il fallait nécessairement que les cimetière fussent vastes. J'ai vu détruire un de ces cimetières en Poitou: on en a ôté plus de six cents charrettes de pierres et il en est peut-être resté autant.

On conte qu'il y avait autrefois des châteaux magnifiques: château Verd, château de la Cave Maillée, château de Torchebeuf, château de Pontilly... Il est certain qu'à ces endroits là, il y a eu des maisons, mais que ce fussent des châteaux, je n'en crois rien, au moins n'en reste t-il aucun vestige. On prétendait que la cave du château de la Cave Maillée subsistait encore et qu'elle contenait plus de 300 pièces de vin, qu'il y avait des portes de fer... Je l'ai faite fouiller, et j'ai trouvé une laiterie. Il est vrai que la maçonnerie est extrêmement ancienne. A la Roche, il y avait un château que la rivière de Loire a ruiné en partie, le reste a été détruit. Il y avait à l'Ecuelle un petit castel où demeurait Monsieur Le Loup. Le Monceau était aussi un petit château qui a été détruit et dont les pierres ont servi à bâtir le petit bâtiment qui est d'amont (au Nord-Est) au château de Bois Renard.